Les thérapies ciblées ont révolutionné le traitement du cancer et vont de pair avec les tests moléculaires génétiques. Ils permettent en effet de prédire si ces thérapies seront efficaces ou non chez certains patients. Les signatures ou tests génomiques permettent également d’éviter de nombreuses chimiothérapies inutiles chez certaines femmes atteintes de cancer du sein. Mais ils ne sont pas proposés par tous les centres de soins, en raison d’un remboursement partiel par l’Assurance Maladie. L’association Patients en réseau alerte sur cet accès inéquitable et la perte de chance qu’il entraîne pour les malades.
La médecine avance plus vite que les Autorités de santé. Ces dernières années, le développement des thérapies ciblées a permis d’améliorer considérablement l’espérance de vie de nombreux malades atteints de cancer. Mais tous n’y ont pas accès en France, car ces traitements nécessitent au préalable la réalisation d’un test moléculaire génétique, indispensable pour savoir si le traitement est adapté au patient ou non. En effet, ces thérapies ne sont efficaces qu’en présence d’une anomalie de l’ADN tumoral, détecté par ces tests. Pourtant, ces derniers ne sont pas proposés par tous les centres de soins alors qu’ils sont extrêmement fiables. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas intégralement remboursés par la Sécurité sociale et de nombreux établissements de santé ne peuvent pas payer le reste à charge. « L’accès à ces tests est inégal et inéquitable dans notre pays, et de nombreux patients ne reçoivent pas les meilleurs traitements selon leur lieu de soin. C’est une véritable perte de chance », s’indigne Laure Guéroult-Accolas, fondatrice et directrice de l’association Patients en réseau.
En 2020, 196 000 patients atteints d’un cancer colorectal, de l’ovaire, du poumon, de la prostate, ou encore de leucémie, ont bénéficié d’un test génomique. Mais ce nombre pourrait être bien supérieur. « A quoi bon développer, grâce à des années de recherches, des innovations thérapeutiques efficaces pour les malades, si nous ne sommes pas en mesure de les mettre à leur portée ? », souligne un collectif d’experts, réunissant directeurs d’établissements de santé, oncologues, généticiens, pathologistes et associations de malades, dont Patients en réseau. Les pouvoirs publics s’étaient pourtant engagés en 2021 à faciliter l’accès à ces tests moléculaires. Mais deux ans et demi plus tard, la situation n’a pas évolué.
Cancer du sein : la HAS restreint l’accès aux tests génomiques et maintient son financement partiel
Chez les patientes atteintes de cancer du sein, les tests ou signatures génomiques sont utilisés, non pas pour prescrire une thérapie ciblée, mais pour évaluer l’agressivité de la maladie et éviter une chimiothérapie inutile. En effet, en cas de cancer hormonodépendant au stade précoce et dont le risque de rechute est intermédiaire, l’intérêt d’une chimiothérapie est discutable. Les tests génomiques permettent alors d’identifier les femmes pour lesquelles la chimiothérapie est bénéfique ou non après la chirurgie. Environ 15 000 patientes devraient bénéficier de ces tests, permettant d’éviter près de 6 000 chimiothérapies inutiles. Mais on estime qu’une femme sur deux, éligibles aux signatures génomiques, y aurait réellement accès.
La HAS (Haute Autorité de Santé), dans son dernier rapport, maintient sa recommandation d’un financement partiel, laissant un reste à charge important pour les établissements de santé. « Cet avis est peu compréhensible au regard des preuves scientifiques et des dernières recommandations internationales (ASCO, ESMO, …). Contrairement au Royaume-Uni, à l’Espagne, l’Allemagne ou l’Italie, la France reste l’un des derniers pays européens où les signatures génomiques ne sont pas intégralement prises en charge », souligne Laure Guéroult-Accolas. « Ainsi, les recommandations de la HAS participent à l’inégalité d’accès aux tests et va à l’encontre du développement d’une médecine personnalisée, plus efficiente, pour les patientes et pour le système de santé », alertent les associations Patients en réseau et Life is Rose, dans un communiqué de presse.
Pourtant, en évitant des chimiothérapies inutiles, les signatures génomiques améliorent grandement la qualité de vie des patientes et présentent également un intérêt économique et social pour la collectivité. Car la chimiothérapie entraîne des effets indésirables à court terme (alopécie, nausées, neutropénies, …), et également à long terme (hématologiques et cardiovasculaires), conduisant de nombreuses femmes à arrêter leur travail. Les tests génomiques permettent une diminution des arrêts de travail, des transports, et de la charge de soin pour les soignants, comme le montre une étude récemment publiée1.
De plus la HAS vient d’exclure les femmes de plus de 70 ans de la population « cible », c’est-à-dire qui peuvent bénéficier des tests génomiques.
Il est donc urgent de trouver des solutions pour garantir l’accès équitable à ces tests sur tout le territoire et ainsi permettre à tous les patients atteints de cancer de bénéficier de la meilleure prise en charge.
1- NCCN guidelines insights breast cancer version 3.2018, sparano et al. NEngl JMes 2018, Kalinsky et al san antonio breast cancer symposium 2020 GS3-00.
Auteur : Sandrine Chauvard