L’intégration du dépistage du cancer du poumon dans la stratégie décennale de lutte contre le cancer annoncée en février dernier est un grand pas vers un diagnostic plus précoce de ces cancers au pronostic délétère.
Le dépistage du cancer du poumon n’était jusqu’à cette année encore pas une évidence pour tout le monde. En 2016, la Haute Autorité de Santé (HAS) a émis des recommandations contre ce dépistage en mettant en avant les risques dues aux radiations. Ils sont actuellement en train de les retravailler mais nous ne savons pas encore dans quel sens. En début d’année encore, l’académie de médecine s’est prononcée contre, en reprenant les arguments de la HAS.
Dépistage et diagnostic précoce
Pour commencer, petit point sémantique sur lequel insiste le Pr Couraud, pneumo-oncologue à Lyon : Diagnostic précoce et dépistage sont deux notions différentes. « Le dépistage s’adresse à des individus indemnes de toute pathologie, qui ne se plaignent de rien ». Le test de dépistage va permettre, le cas échéant, d’établir un diagnostic. « Le diagnostic précoce est un concept très différent. Nous nous adressons à quelqu’un qui présente un problème, qui a des symptômes. Cela est différent même si l’objectif du dépistage est d’établir un diagnostic le plus précoce possible et de réduire la mortalité ».
Des bénéfices prouvés
Pourtant, ce dépistage est le seul pour lequel une preuve d’efficacité a été prouvée par 2 études scientifiques d’envergure : une européenne, l’étude Nelson et une américaine, l’étude LDCT. Le dépistage du cancer du poumon réduit la mortalité globale. En effet, ce cancer est souvent diagnostiqué à un stade avancé, car aucun signe avant-coureur n’est spécifique à ce cancer. Le poumon n’est pas un organe innervé et son atteinte n’entraine pas de douleur ou des douleurs non-spécifiques.
Une étude française a été menée à Abbeville sur une plus petite cohorte. « Tout l’intérêt du dépistage est de passer d’un diagnostic localement avancé voir métastatiques à un diagnostic très localisé opérable, » explique le Dr Olivier Leleu, pneumologue au centre hospitalier.
L’espoir de la stratégie décennale
Pour le Dr Leleu, les freins sont avant tout politiques. L’intégration du dépistage dans la stratégie décennale porte donc un grand espoir pour les malades de demain. Dans son discours, le Président de la République a ciblé la prévention et le dépistage comme priorité nationale en évoquant précisément le cancer du poumon. « C’est un levier très important qui met de côté la décision de la HAS qui était déjà incomprise par les professionnels pneumo-oncologues. »
L’importance de la mobilisation associative
Les deux professionnels de santé mettent en avant le travail des associations comme un des leviers essentiels. « Cet appui lors de la consultation citoyenne de l’INCA a positionné le dépistage du cancer du poumon en premier des interrogations des citoyens », explique le Dr Leleu.
« Cette mobilisation a positionné de manière très importante le dépistage du cancer du poumon dans la stratégie décennale », ajoute le Pr Sébastien Couraud. « Elle a participé à lever les freins des institutions jusque-là assez frileuses. D’une manière générale, sur ce genre de sujet, sans les patients, nous ne sommes pas audibles. »
Vers une preuve de faisabilité
Dans la stratégie décennale, l’INCa demande une preuve de l’efficacité et de la faisabilité du dépistage en définissant comme objectif la fiche action 1.13 Dépister demain plus de personnes grâce à l’instauration d’un programme de dépistage organisé du cancer du poumon, dès lors que les éléments démontreront une balance bénéfice / risque favorable. « Il faut maintenant en effet voir sur le terrain comment cela se passe, ajoute le Dr Leleu C’est l’intérêt de l’étude que nous continuons à mener ». Le Pr Couraud insiste également sur la nécessaire mobilisation des généralistes « assez suspicieux sur le dépistage du cancer du poumon ». Un dernier frein à ne pas à négliger est la stigmatisation des fumeurs, même si elle a tendance à se réduire. « Le dépistage sera efficace s’il est associé à la sensibilisation et à des mesures d’aide au sevrage tabagique ».
MRCP s’engage à participer à la mise en place concrète du dépistage du cancer du poumon pour les personnes les plus à risque mais aussi à sensibiliser largement à cette maladie qui touche près de 7000 personnes n’ayant jamais fumé chaque année…. Car dans la vraie vie, de nombreux patients témoignent de l’errance diagnostique qui actuellement concernent les fumeurs, comme les non-fumeurs.
Retrouver une interview du Dr Leleu sur Santé Respiratoire France : Le dépistage organisé du cancer du poumon se profile
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