Digital et humain, un ADN commun. Pour la première fois, une association de Patients est co-porteuse d’un projet innovation santé financé par l’article 51 : AKO@dom PICTO.
Laure-Guéroult Accolas fondatrice de Patients en réseau revient sur ce partenariat exceptionnel.

Comment l’association a-t-elle été impliquée dans ce projet ?
Notre association Patients en réseau est à la fois digitale mais aussi au plus près des personnes et de leurs besoins à travers ses réseaux “Mon Réseau Cancer”, accessibles quelque soient les lieux de vie, de soins et l’étape dans la maladie. Nous avons aussi à cœur d’encourager et d’accompagner les innovations en interaction avec les autres acteurs. A la suite de Cancer@dom, travail remarquable et inspirant mené en 2016 par l’AF3M et Cancer Contribution, nous avons réfléchi aux problématiques du virage de l’ambulatoire, en particulier pour accompagner les personnes dans des situations quelques fois complexes (âge, comorbidité, isolement géographique ou social) et difficiles comme la maladie métastatique. Certains bénéficient de thérapies orales innovantes potentiellement à domicile qui demandent un suivi spécifique et la capacité d’auto-gérer son, voire ses traitements …

En 2017, j’ai participé à l’invitation du Dr. Mikaël DAOUPHARS – , pharmacien hospitalier au Centre Henri Becquerel de Rouen au “Défi Santé Numérique” qu’il organisait avec  Alsace BioValley et Health Factory. La démarche était formidable : donner la parole aux soignants hospitaliers, de ville et aux patients pour que nous disions nos besoins respectifs face au “virage ambulatoire”. Une démarche de co construction et d‘échanges sur les projets puis un jury pour retenir les meilleures propositions.

C’est ainsi que j’ai rencontré Guillaume Gaud, créateur de Continuum+  qui présentait AKO@dom,. Il a remporté le coup de cœur de notre jury, je crois parce que c’était la seule proposition qui alliait l’innovation digitale et l’accompagnement humain des malades, au plus proche de leurs besoins, avec leur infirmière de proximité. Puis avec les Dr Philippe Barthélémy et Dr Bertrand Mennecier, pneumologue aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, nous avons entamé une collaboration avec la startup Continuum+ pour construire et mettre en place le premier pilote des parcours AKO@dom.

Comment s’est passé cette collaboration ?
Nous avons eu la chance de travailler de manière innovante sur les parcours d’accompagnement. En tant qu’association, nous avons décrit et conceptualisé les besoins des patients et échangé sur les besoins des soignants hospitaliers et de ville, notamment le médecin traitant et le pharmacien d’officine qui délivrent les traitements et les infirmières de proximité. Ensemble, nous avons dessiné les étapes du parcours, les cibles, de façon à répondre à des besoins de terrain avec toujours comme priorité la qualité de vie et de soins du patient.

Quelle est l’originalité du parcours d’accompagnement AKO@dom ?
L’enjeu, avec l’essor des thérapies orales, est d’intégrer tous les soignants autour du patient. Dans les cancers métastatiques, il y a de nombreux traitements très spécifiques en fonction des caractéristiques de la maladie : aussi ces médicaments ne concernent que peu de patients dans une officine. C’est pourquoi il est essentiel pour le pharmacien d’officine comme le médecin traitant, de recevoir au moment de l’instauration du traitement, la bonne information, au bon moment, pour le bon patient.

L’autre enjeu crucial dans ce projet est d’associer le digital avec une plateforme de coordination, une application numérique et de l’humain. Les patients aux parcours plus complexes ont souvent plusieurs maladies en même temps et sont plus fragiles. Nous avons fait entrer dans la boucle l’infirmière de proximité du patient, formée spécialement à faire le suivi. Elle est essentielle car elle connait la personne, la rassure, va l’aider à instaurer son traitement.

Pourquoi est-ce si important ?
Pour un traitement injectable, en hospitalisation de jour, les soignants vont vérifier un certain nombre de critères avant de donner un « go » à la chimio. A la maison, avec sa thérapie orale, c’est au patient de donner ce « go ».  Ce n’est pas simple d’identifier seul une mucite, de savoir si on peut prendre le traitement malgré une diarrhée, une forte fatigue, des nausées, des douleurs…  Le suivi de l’infirmière et l’application sont donc particulièrement utiles pour un suivi rapproché pendant les premières semaines. Grâce à ce suivi, le traitement a un moindre impact sur la qualité de vie des malades. Les patients se sentent plus soutenus psychologiquement, les effets indésirables pris en charge au plus près sont de grades moins élevés et de durée moindre. Les visites médicales non programmées sont réduites.

Pourquoi avoir sollicité une expérimentation article 51 ?
Il est important d’évaluer de façon complète ce type d’innovation sur les bénéfices individuels qu’organisationnels. L’article 51 que nous co-portons va permettre d’inclure un grand nombre de patients et faire une véritable évaluation médico-économique pour, espérons-le, permettre que plus de patients puissent être accompagnés dans l’instauration de ce type de traitement.

L’article 51 est une chance que notre pays donne pour pouvoir accompagner les innovations. L’hôpital ne peut plus tout faire. Les innovations thérapeutiques permettent de vivre de plus en plus longtemps et donc souvent avec un suivi en dehors de l’hôpital. Cette expérimentation permet de déterminer comment passer d’un financement à l’acte a des financements au parcours, intégrant la coordination et le suivi et d’en évaluer la pertinence.

Un des enjeux de l’article 51 est la reproductibilité. Nous sommes convaincus que la solution est transposable. C’est déjà le cas avec l’Association Française des Malades du Myélome multiple. Nous avons développé des parcours d’accompagnement. Nous avons démarré en novembre les premiers parcours d’immunothérapie en s’adaptant aux besoins spécifiques de ces patients.

Porterez-vous de nouveaux projets innovants ?
Nous sommes convaincus que l’implication d’une association comme la nôtre dans un projet qui concerne les patients est déterminante pour trouver des réponses adaptées au plus près de leurs besoins. La médecine de demain aura une dimension de plus en plus personnalisée. Au-delà de la dimension recherche et innovation médicale toujours plus spectaculaire, cette médecine du futur demandera aussi certainement une attention particulière à l’environnement du patient, sa qualité de vie, son implication dans son parcours de soins. Nous croyons que des solutions co-construites avec tous les partenaires concernés apportent de l’efficience et de la pertinence. N’oublions jamais que le patient, l’humain donc, est au cœur du parcours de soins quelle qu’en soit la complexité et la qualité thérapeutique.

Les autres articles de MRC News hors-série de Janvier 2022