Interview d’Aude Colaone, responsable des projets santé chez Kiplin


Quel était le constat à la base de la création de Kiplin ? 

Pour faire un rapide historique. Kiplin est une startup française créée en 2014 qui se définit comme un éditeur de jeux de santé qui favorise le changement de comportement en matière d’activité physique via deux leviers d’engagement : le jeu et le collectif. Nous avons commencé auprès de collaborateurs d’entreprises, en prévention primaire. Nous avions l’ambition de pas parler de sport mais bien d’activité physique pour s’adresser par le jeu à ceux qui sont fâchés avec le sport. Petit à petit, nous avons été sollicités par des établissements de santé notamment en oncologie mais aussi pour des patients en situation d’obésité et diabète de type deux. Depuis 2018, nous nous sommes lancés sur des parcours en santé publique.  

 Notre idée reste tout de même de démédicaliser le concept d’APA dans la pratique. C’est d’ailleurs ce que beaucoup de patients recherchent, notamment en oncologie même si dans la forme nous nous reposons sur des prescriptions médicales et sur les recommandations. 

 
Justement, comment s’est structurée votre action en oncologie ? 

Les recommandations de l’Institut National du Cancer et de la HAS sont claires. L’APA est un facteur limitant du risque d’avoir un cancer. Elle est aussi recommandée en cours de traitement et après les traitements. Nous travaillons notamment avec l’Institut Curie, l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, du côté de Nantes et Angers et Léon-Bérard à Lyon. Nous proposons un parcours complet de trois mois, avec un bilan initial, un bilan final, un jeu par mois et des séances d’APA par nos enseignants en visio. Nous répondons aux besoins des patients, particulièrement ceux qui sont isolés, sans proposition proche de leur domicile, ou trop fatigués pour se déplacer. Nous sommes une alternative à ce qui peut exister dans les centres de lutte contre le cancer.  

Aujourd’hui, nous travaillons également sur un article 51 avec le groupe Ramsay. Au sein de quatre établissements des Hauts de France, des personnes atteintes de cancer du sein ou digestif en post-traitement lourds se voient prescrire un parcours Kiplin, là aussi avec un bilan initial et un bilan final. Ils ont accès à 24 séances en présentiel ou en visio. Via l’application Kiplin, le patient choisit les créneaux qui correspondent le mieux à son agenda en présentiel ou le distanciel. Il a accès à un jeu par mois. Nous proposons plusieurs types de jeux sur deux semaines par équipe de quatre ou cinq, composée de patients ou/et de proches voire des médecins prescripteurs. Selon l’activité réalisée, ils évoluent dans les différents jeux par exemple, des sortes d’escape game revisités, des challenges ou des jeux de plateaux.  

 Nous avons commencé les inclusions dans l’article 51 il y a un an. Une centaine de patients sont inclus, et l’objectif est d’atteindre 500 patients sur deux ans. L’objectif est d’évaluer la possibilité de généraliser le dispositif à l’échelle nationale. À mi-parcours du projet, début 2023, nous aurons une évaluation par des évaluateurs des Hospices civils de Lyon. Nous sommes très satisfaits de l’engagement des patients et du taux de participation. Nous aimerions accélérer les inclusions maintenant que le Covid est moins freinant ! 

  

Comment le lien s’est-il tissé avec l’association Patients en réseau ? 

Lors du premier confinement, nous avons lancé des opérations grand public avec des challenges. Des patients des réseaux Mon Réseau Cancer connaissaient le concept par des expériences dans leurs centres et l’association s’est mobilisée pour permettre aux personnes en soins et confinées de profiter de différents challenges. Certains patients sont devenus de grands fidèles et ont trusté les podiums !  À la suite de cet engouement et de cette réussite, Patients en réseau nous a sollicités pour travailler ensemble. Nous avons décidé d’accompagner l’association de manière gracieuse sur un programme annuel, un petit peu spécifique, avec à la fois les jeux, et le programme plus construit de trois mois d’APA. En contrepartie, nous demandions des retours d’un panel de patients pour concevoir une application centrée patient. Dans un deuxième temps, l’association a voulu continuer pour utiliser Kiplin comme levier d’engagement des nouveaux adhérents par des temps forts de jeux, de challenge pour créer du lien dans la communauté sans être dans la sphère médicale mais surtout aider les personnes à reprendre le goût de bouger ! 

 

Avec quelle réussite ?  

Tout le monde est satisfait. Nous avons une centaine d’inscrits à chaque fois sur les jeux, avec des taux d’engagement, c’est à dire des taux de participation effective des inscrits, de plus de 90  %. Nous avons constaté une augmentation de l’activité physique pendant les jeux de l’ordre de 70  %. Par ailleurs, les retours d’expérience ont été évalués à 9,5 sur 10. Les patients apprécient cette volonté de créer du lien, de pouvoir échanger et de sortir d’un parcours de soins, sans être dans quelque chose de médicalisé mais vraiment ludique. 

Cet été, nous avons donc décidé de poursuivre, une année de plus, avec un financement trouvé du côté de Patients en réseau. Nous pourrons à l’avenir échanger à nouveau sur l’application qui évolue quand même assez rapidement et c’est important de rester en ligne avec les besoins des patients. L’idée est surtout de continuer à avoir ces temps forts de jeu avec quatre jeux paramétrés sur l’année.   

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