Interview de Christine Nunes-Manso, Responsable des relations institutionnelles chez CAMI Sport & Cancer


Comment la CAMI a-t-elle creusé le sillon de l’activité physique thérapeutique ? 

La CAMI est née d’une intuition il y a de cela 22 ans. À l’époque, il y avait peu d’études publiées sur les impacts positifs de l’activité physique en cancérologie. Quelques acteurs s’en sont emparés, dont le Dr Thierry Bouillet, cancérologue. Cette intuition était que le bien-être ressenti grâce à l’activité physique et sportive quand on n’est pas malade devrait rester vrai quand on l’est.  

Au démarrage, le Dr Bouillet a envoyé cinq-six patients voir Jean-Marc Descotes, ancien sportif de haut-niveau pour faire du karaté, de manière allégée bien entendu, en s’adaptant à leurs besoins, à l’époque, sans cadre scientifique ou réglementaire. Aujourd’hui, 3000 à 3500 patients sont accompagnés chaque semaine selon différents modèles, en fonction des cancers, de la localisation tumorale et du type d’établissement. Les séances se déroulent dans une quarantaine d’établissements et en ville ; beaucoup en présentiel et un peu en distanciel. Les séances de Thérapie Sportive en Pôle Sport & Cancer, sont gratuites et comprises dans les soins de l’hôpital grâce au soutien des partenaires. En ville, une contribution financière des patients est prévue, variable selon le quotient familial pour permettre aux plus démunis d’en bénéficier gratuitement. 

Depuis, la CAMI a déposé sa propre méthodologie, Le Médiété®, créé par Jean-Marc Descotes. Cette méthode spécifiquement conçue pour répondre aux atteintes et limitations des patients atteints d’un cancer. Elle vise à préparer le corps à être capable d’exécuter n’importe quel exercice physique de manière efficace et sûre. Progressivement, les pouvoirs publics ont commencé à suivre, avec une nette accélération en 2017, avec la Loi Sport sur ordonnance, et surtout la sortie d’études scientifiques démontrant les bénéfices thérapeutiques de l’activité physique, principalement dans les tumeurs solides. 

 

Quels sont ces bénéfices ? 

Toutes les études vont dans le même sens, ce qui est déjà un signe clair : amélioration de la qualité de vie, quel que soit le cancer, l’âge du patient, diminution de certaines douleurs, de la fatigue chronique, des pertes de repères spatiotemporels, de l’anxiété, des risques de dépression légère ou modérée. Tout cela est avéré. Pour le cancer du sein, des études ont montré une diminution du risque de récidive à cinq ans et du risque développement d’un autre cancer. Nous commençons à voir les mêmes données sur d’autres types de cancers. Et a minima, il n’y a jamais d’impact négatif. 

Le niveau de preuve à apporter aujourd’hui est sur l’après-cancer. Nous voulons montrer l’impact à moyen et long terme de l’engagement dans un programme d’activités thérapeutiques le plus précocement possible et le plus régulièrement possible. C’est l’enjeu d’un article 51.

 

En quoi consiste cet article 51 ?

Il s’agit d’une expérimentation de l’Intégration et évaluation de l’Activité Physique Adaptée à but thérapeutique en phase aigüe du parcours de soin des patients en oncologie. Les autorités sanitaires ont donné leur aval tout fin 2021. Les programmes hospitaliers de la CAMI vont intégrer mille adultes en traitement pour un cancer solide (sein, poumon, prostate, côlon-rectum) dans quinze établissements de santé. Cette évaluation externe de nos Pôles Sport & Cancer par le Ministère chargé de la santé pourra conduire à généraliser ces dispositifs partout en France.  

Il s’agit d’une formidable opportunité de démontrer qu’un programme standardisé dispensé par des personnes spécifiquement formées devrait être accessible à l’ensemble des patients et une avancée majeure pour intégrer l’activité physique à but thérapeutique dans le parcours de soin des patients en oncologie. C’est également la confirmation de la pertinence du modèle d’accompagnement hospitalier de la CAMI Sport & Cancer. Cela a été un long cheminement car peu d’article 51 sont portés par des associations.

 

Où en êtes-vous aujourd’hui ? 

Nous entrons dans la phase préparatoire et démarrons actuellement les premières inclusions et attendons le retour sur les éléments d’évaluation. Nous travaillons avec des établissements de différentes catégories et tailles pour montrer, après l’expérimentation que le programme peut être vraiment généralisé. Comme pour les traitements médicamenteux, l’observance sera un enjeu. Durant l’expérimentation, mille patients feront la totalité du programme. 

 

Pendant trois mois, deux fois par semaine en présentiel, avec des tests physiques à l’entrée et à la sortie, c’est de contrôle et on repart sur trois mois, avec une troisième séance en autonomie pour les patients qui le peuvent, à distance, avec des vidéos spécifiques avec des exercices qu’ils connaissent déjà ou qu’ils vont apprendre à maîtriser. C’est un parcours vers l’autonomisation quel que soit le mode d’activité physique qu’il choisit. 

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