Depuis 5 ans, Guillaume Gaud porte Continuum+, pour créer des solutions d’accompagnement. Rencontre avec un pharmacien, papa de la famille AKO.
Comment est né votre engagement dans le monde des startups ?
Je viens d’une famille très orientée santé, d’un côté avec des médecins et de l’autre plus commercial. En choisissant la pharmacie, j’ai fait la synthèse des deux. Ma motivation était de savoir comment aider les soignants à soigner, à travers la mise à disposition d’innovations thérapeutiques. Je me suis donc orienté vers le milieu industriel où j’ai passé une vingtaine d’années. Je me suis ensuite demandé comment agir au plus proche des patients et des aidants car je trouvais qu’ils devaient bénéficier de ces innovations.
Je me suis intéressé particulièrement aux maladies chroniques à la suite de l’expérience d’une amie atteinte d’un cancer métastatique qui avait notamment mal vécu la gestion des effets secondaires des traitements à domicile. Je me suis rendu compte de l’étendue des besoins. Par ailleurs, dans ma carrière dans l’industrie, j’ai vécu une dizaine d’année à l’étranger, en Hollande, en Belgique, en Espagne, au Canada et même dans d’autres pays du Sud. Cela m’a montré que d’autres dispositifs, d’autres visions de l’accompagnement des patients étaient possibles et qu’elles avaient montré leur efficacité.
Je me suis lancé dans l’aventure de Continuum+ pour les mettre en œuvre en France, dans le cadre réglementaire qui m’a été donné, tout en voulant dépasser le conservatisme médical. Cet engagement est donc le fruit de mon expérience personnelle et de mon parcours pharmaceutique. Je suis aujourd’hui entrepreneur depuis cinq ans. Mais avant de créer ma structure, je suis parti un an en humanitaire en Inde pour prendre recul, et savoir vraiment vers où je voulais aller. Cela a été une vraie orientation de rupture qu’il a fallu expliquer à mes proches même s’ils savaient à quoi s’attendre après plusieurs années de maturation du projet. L’entreprenariat est un challenge avec des moments plus arides. C’était un choix assumé pour être logique avec moi-même et mes envies.
Quelles étaient ces envies ?
J’avais, et j’ai toujours, la volonté d’avoir un impact profond sur le système, de le transformer pour démultiplier l’impact généré d’abord auprès de quelques-uns. C’est d’ailleurs l’esprit de l’article 51 : expérimenter un modèle qui transforme les organisations et faire en sorte qu’il soit réplicable.
Je voulais réaliser le défi de développer des parcours d’accompagnement qui impliquent l’hôpital, la ville et le domicile ; que la relation hôpital-ville devienne une réalité. Cela s’est concrétisé par un défi de santé numérique en 2016, où j’ai présenté mon projet, qui n’existait que sur le papier. Continuum+ a reçu le coup de cœur du jury dont faisaient partie Laure Guéroult-Accolas et le Dr Philippe Barthélémy, oncologue au CHU de Strasbourg. Ils ont tous les deux accepté de s’engager dans l’aventure avec moi. Nous avons monté à partir de 2017 un groupe de travail avec des professionnels hospitaliers, de ville (médecins généralistes, pharmaciens, infirmières) et des patients pour construire ces parcours.
Quelles ont été vos inspirations ?
J’en ai eu plusieurs, à commencer par le travail fondateur du Carnet d’idées citoyennes Cancer@dom, « Construire ensemble le virage de l’ambulatoire en cancérologie », ainsi que celui de l’ANAP sur l’accompagnement des patients. Mon autre source d’inspiration est le modèle hollandais Buurtzorg, littéralement « soins de proximité », qui intègre les infirmières de ville dans la prise en charge à domicile.
Ces sources m’ont conforté dans l’idée de rapprocher le soin au plus près du patient avec l’appui des infirmiers qui ne sont pas des spécialistes mais des experts de l’humain et du patient à son domicile. Il faut leur donner les moyens et leur faire confiance en les accompagnant, les formant et les donner les moyens, notamment numérique de réaliser leurs interventions au plus près des patients.
Pourquoi être passé par la démarche de l’article 51 ?
En deux ans, nous avons conceptualisé, rendu opérationnel et financé la solution et les parcours. J’y ai d’abord mis mes propres deniers et ai sollicité des proches, puis nous avons mobilisé des fonds et des industriels, sous la forme d’un financement institutionnel, pour assurer plus de pérennité. Mais, un tel financement ne peut être que partiel et temporaire. Notre objectif est que la solution entre dans le droit commun et soit financé en tout ou partie par l’assurance-maladie.
Nous avons intégré le plan régional de santé et très rapidement, en 2018, avons été orientés vers ces nouveaux modes d’expérimentation article 51 sans penser que cela prendrait trois ans avec 24 mois d’instruction. Dès le début, il nous a été proposé de nous rapprocher d’un autre candidat à l’article 51 ayant un projet présentant de nombreuses similarités dans l’action de proximité par le biais du pharmacien d’officine. Ce mariage avec Picto, co-porté par le réseau régional de cancérologie et l’URPS Pharmaciens du Grand-Est, a donné beaucoup plus d’ampleur à la démarche.
En cinq ans, comment votre solution a-t-elle évolué ?
La crise sanitaire nous a poussé à créer des frères et sœurs dans la famille AKO, avec AKO@PRO pour Patient Reported Outcome, une solution d’auto-évaluation en réponse à l’impossibilité pendant le confinement de faire venir l’infirmière à domicile au risque d’être un vecteur de virus. A la demande des hôpitaux de Strasbourg, nous avons adapté notre solution quasiment en un week-end. (Voir notre article dédié dans la NL de janvier 2021)
En parallèle, les entretiens conventionnels en oncologie par les pharmaciens d’officine se sont mis en place. Nous avons donc proposé le parcours AKO@pharma en dehors du Grand-Est. Ces trois modalités d’accompagnement peuvent bénéficier à des profils et des besoins différents selon les capacités, les profils des patients.
Quel est le bénéfice attendu de cette expérimentation Article 51 ?
Contribuer à transformer le système de santé en l’enrichissant de parcours de télésuivi, avec une dimension humaine et organisationnelle. Nous allons apporter la preuve qu’une innovation technologique ne suffit pas. Nous ne mettons pas uniquement un dispositif médical à disposition des malades, nous humanisons le numérique. C’est d’ailleurs pour cela qu’il était inimaginable de ne pas travailler dès le départ avec une association de patients. Pour nous, il était impératif de monter une telle opération avec les principaux concernés après notre rencontre au défi de santé numérique.
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