En ce début juillet, après 18 mois rythmés par l’épidémie, les confinements et les déconfinements, les malades comme les professionnels aspirent à des plaisirs simples et de ressourcement avant la rentrée et son lot d’incertitudes. Nous sommes allés à leur rencontre pour partager leur état d’esprit et leurs désirs du moment.

 

Heureuse malgré tout

Pr Catherine Uzan, gynécologue, Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

En travaillant à la Pitié-Salpêtrière, j’étais au cœur du réacteur. J’ai vu la réalité du covid pour les patients et les équipes qui sortent épuisées de cette période. Malgré les difficultés, je suis plutôt heureuse de tout ce que nous avons pu faire pour les patients. Nous avons dû batailler mais nous avons pu continuer à faire de la cancérologie selon de bons principes, avec un système sanitaire chamboulé qui a tenu.

Je n’ai pas à me plaindre surtout quand je vois avec quel courage les patientes traversent ces périodes et je reste donc enthousiaste pour la suite. Je sais que l’on va retrouver de meilleures conditions d’activité. Les conditions de soins seront moins agressives pour les patients au quotidien avec notamment la reprise des activités de soins de support. Cet été, l’essentiel pour moi est de passer des vacances en famille, peu importe le lieu. Nous n’irons pas dans un lieu exotique, juste dans le sud pour passer du temps ensemble.

 

Une présence sur le réseau tout l’été

Josiane, atteinte d’un cancer du sein

 « Je suis sur Mon réseau Cancer du sein depuis sa création (juillet 2014). D’abord comme patiente et maintenant au conseil d’administration  de l’association et impliquée sur les réseaux. Aujourd’hui en rémission totale, je continue beaucoup les soins de support, ce qui va être plus compliqué pendant l’été car les structures accompagnantes ferment en cette période.    Je ferai, malgré tout, ce qu’il faut pour me prendre en mains en pratiquant la marche et du vélo même si ce n’est pas pareil qu’au sein d’un groupe associatif et motivant.    

Je vais faire un break avec ma famille en Bretagne mais resterai présente sur le réseau car la maladie, les diagnostics, les traitements ne s’arrêtent pas durant l’été et les réseaux de l’association non plus. Il ne faut pas que des messages restent sans réponse. Pour la rentrée, j’espère que la situation permettra de reprendre au plus vite les activités de l’association et de soins de support en présentiel. C’est tellement réconfortant de sortir et de voir du monde.  »

 

Pour une rentrée du renouveau

Hawa Camara, Infirmière en hôpital de jour oncologie, Institut Curie

Finalement ce sont les incertitudes et les formes

d’attentisme qui ont été difficile à gérer et nous ont fatigué. Il a fallu gérer ces propres incertitudes et angoisses sur les impacts sur ma vie personnelle, celle de mon mari, de mes enfants en même temps qu’accompagner celles patients. C’est une double sollicitation qui a dem

andé beaucoup de souplesse.

Mon besoin pour cet été est de faire une coupure totale pour me ressourcer au bord de la mer avec ma famille, mes enfants de 10 et 12 ans, et retrouver les amis pour partager des moments de bonheurs simples et créer d’autres souvenirs après une période en suspens.
La rentrée sera aussi un moment de renouveau pour nous car nous venons d’acheter une maison. Professionnellement, j’aspire à avancer dans mon projet de vie. J’ai hâte que les formations puissent reprendre pour continuer à parfaire ma clinique.

 

 

Les soins à proximité des lieux de vacances

Pr Nicolas Girard, pneumologue, Institut Curie, Paris

Aujourd’hui, nous vivons avec le covid. Nous ne sommes plus en confinement et nous avons un taux de vaccination qui atteint presque 100%

chez nos malades. Du point de vue de l’hôpital et d

e nos centres, nous sommes dans une situation quasiment normalisée grâce aux vaccins. Nous gardons bien sûr les gestes barrières mais nous sommes dans une situation très sécurisée. Nous retrouvons donc une sérénité. Pour autant, quelques incertitudes demeurent face à la rentrée, sur le covid et sur les ressources en termes de soignants. Nous assistons, notamment en région parisienne, à une désertion de la part des infirmières et des soignants. Ce manque de personnel soignant est d’ailleurs aussi à prendre en compte pour cet été où nous allons devoir restreindre nos capacités d’accueil notamment en hospitalisation.

Comme tout le monde, j’ai envie de profiter d’une certaine liberté retrouvée, de changer d’air et de me dépayser. D’ailleurs, cette année encore plus que d’habitude, nous nous sommes organisés avec les hôpitaux de proximité des lieux de villégiature pour permettre à nos patients de suivre leur traitement sans revenir à Paris.

 

Préparer septembre et la reprise du travail après 1,5 d’arrêt

Sandra, touchée par un cancer colorectal métastatique

J’ai 45 ans. Je connais ma prédisposition au cancer colorecta

l depuis l’âge de 24 ans. L’année 2020 a été très compliquée entre mes chimiothérapie et mes opérations. L’isolement supplémentaire dû au covid a été très difficile à vivre. Je m’en suis d’ailleurs encore plus rendu compte après coup. Pour autant, j’ai eu de la chance car la crise n’a pas trop impacté le déroulé de mes traitements.

Comme je supporte bien l’immunothérapie, en 2021, j’ai ressenti le besoin de reprendre ma vie en main, de prendre soin de moi, d’écouter mon corps avec une petite activité physique et de la marche. Cet été, je prépare ma rentrée car début septembre, je reprends le travail après un an et demi d’arrêt et un bilan de compétences de deux mois qui a été une belle introspection pour réfléchir à mes aspirations. J’ai la chance d’habiter à Perpignan, près de la mer, pour aller marcher, nager…. Je profite de l’été pour continuer ce que j’ai commencé sans aller trop loin et être près de mes deux enfants qui travailleront en famille.

 

Retrouver les vagues de la mer

Emmanuel Le Poul, pharmacien adjoint en Haute-Savoie

Au sein de la pharmacie, nous sommes tous fatigués suite à ces 18 mois passés mais aussi face à cette inconnue de sortie de crise. On nous annonce une sortie puis on nous prépare à la prochaine vague. Ces montagnes russes où on ne constate pas la récompense de nos efforts est épuisante. Ma crainte pour la rentrée est d’être face à un blocage si ce ressac de vague perdure, d’autant qu’à mon avis, la vaccination n’est pas assez déployée notamment chez les professionnels de santé.

Cet été, j’aspire à un temps simple avec des vacances françaises, avec ma compagne, pharmacien-adjoint également et mes enfants de 22, 18 et 15 ans, que j’ai moins vus ces derniers temps, pour faire du vélo de route et nager dans la mer, dans d’autre vagues, espérées celles-ci. J’aspire à des vacances sportives donc, – car les organismes ont souffert – dans la nature, sans penser au planning, à la vaccination, au virus, j’aspire à nager et au ressourcement, aussi, sur le can

apé pour suivre le Tour de France qui, lui, revient toujours, pour mon plus grand plaisir.

 

 

Voir le visage de ses patients… et l’inverse

Pr Marie Wislez, pneumologie, Hôpital Cochin, Paris

J’espère que tout le monde, patients comme professionnels va pouvoir profiter de l’été. J’espère qu’il n’y aura pas de 4e vague. Ma priorité est de promouvoir la vaccination. C’est cela qui peut nous sauver d’un nouveau confinement. Nous aussi nous sommes meurtris dans notre vie personnelle et professionnelle. Je ne sais pas si un jour on retrouvera cette vie sans geste barrière. En consultation, c’est très délicat de rencontrer de nouveaux patients, sans voir leur visage. Dans l’examen, comme dans l’échange, beaucoup de chose passent par le visage. Il est assez difficile d’évaluer un patient en voyant la moitié de son visage. C’est vrai dans l’autre sens. L’autre jour, un patient m’a dit être allez voir sur internet pour voir à quoi je ress

emblais.

Pour les vacances, je n’ai pour l’instant rien eu le temps d’organiser. Je n’ai pas vu l’été arriver. C’est dire ! Je suis preneuse d’idées pour de belles vacances pour ma famille et mes enfants. Pour la rentrée, j’ai envie de plus de sérénité, d’un fonctionnement plus fluide à l’hôpital, du retour de plus d’infirmières. Nous avons de nombreuses raisons d’être optimistes avec les évolutions notamment thérapeutiques, les immunothérapies…

 

 

En van en famille ou en moto avec les amis

Julian, atteint d’un cancer métastasé des poumons

J’ai 38 ans, j’ai un cancer métastasé des poumons lié à une mutation génétique. Je suis sportif et non-fumeur. Je vis à côté de la nature donc très honnêtement je n’ai pas vécu les mêmes confinements que mes

amis citadins. Dans l’ensemble, j’ai réussi tant bien que mal à vivre comme d’habitude, avec mes jumeaux de 7 ans et à suivre mes traitements.

Je suis sous thérapie orale. La première a bien fonctionné mais j’ai commencé à avoir des douleurs cervicales et du coup je ne pouvais plus courir. La maladie avait progressé au niveau osseux et j’ai été opéré en février au niveau des cervicales.

Après un cancer, jusqu’ici gentil, j’ai compris ce qu’étaient les douleurs osseuses violentes. Je me suis dit qu’il fallait que je profite de l’été. J’ai une urgence de vivre. Cet été je vais alterner des moments en famille, avec notre van aménagé, notamment pour aller randonner dans les Cévennes, et d’autres à moto entre amis ou en solo. Pour moi, malade ou pas malade, il est essentiel de se bouger, de faire du sport, d’être dans la nature. J’aime beaucoup cette phrase : « le médecin soigne, le patient guérit. »

 

 

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