Les thérapies anticancéreuses orales entraînent des effets secondaires spécifiques, qui nécessitent d’être dépistés le plus tôt possible. Elles sont dispensées en ville, et les patients se retrouvent souvent isolés, ne sachant pas toujours quand et comment signaler ces effets indésirables, et faisant parfois des allers-retours inutiles à l’hôpital. D’où l’importance des parcours AKO@dom–PICTO, actuellement en expérimentation dans le Grand Est.
Ils proposent, selon les besoins des malades, un accompagnement par un pharmacien d’officine ou par une infirmière à domicile, qui communiquent avec les médecins hospitaliers via une plateforme numérique. Les retours sont très positifs, que ce soit du côté des patients ou des professionnels de santé. Il est donc important de se mobiliser pour que ces parcours soient généralisés et profitent à l’ensemble des malades qui le nécessitent.
« Un de nos patients âgé de 82 ans a présenté un effet indésirable à la veille d’un jour férié. Si les choses avaient traîné, il aurait pu finir en détresse respiratoire. Mais grâce aux informations transmises dans le cadre du parcours AKO@dom-PICTO, nous avons géré cet incident et le malade a pu rester à son domicile avec un traitement adapté », explique le Dr Laure Pierard, oncologue à l’Institut de Cancérologie Strasbourg Europe (ICANS). Cet exemple illustre l’intérêt d’un accompagnement spécifique des patients sous thérapie anticancéreuse orale à domicile. « Ces parcours permettent une diminution des complications grâce à une prise en charge précoce, souligne le Dr Lionnel Geoffrois, oncologue médical à Institut de cancérologie de Lorraine (ICL). Sans eux, lorsque le malade est chez lui, même s’il a reçu une bonne information, il est rare qu’il donne l’alerte sur ses effets indésirables. Il a tendance à penser : ‘j’ai tel symptôme, mais je retourne à l’hôpital dans dix jours, donc je vais attendre’, ou ‘je ne vais pas déranger’, ou encore ‘ce n’est rien ‘ ».
D’autres accompagnements concernant les immunothérapies sont également expérimentés. Basés uniquement sur une plateforme numérique de télésurveillance, elle met directement en lien les malades et les professionnels de santé à l’hôpital.
Mais plus de la moitié des patients touchés par un cancer métastatique sont âgés et rencontrent des difficultés à utiliser une application mobile, ou ne veulent pas s’en servir. Pour une grande partie d’entre eux, le recours aux infirmières libérales s’avère également nécessaire avec les parcours AKO@dom. Dans ce cas, ce sont les infirmières libérales qui communiquent avec les professionnels hospitaliers (oncologue, infirmière de coordination) via la plateforme Continuum+. Pour les patients plus autonomes mais qui ont besoin d’aide pour les questionnaires et l’évaluation, les parcours PICTO s’appuient sur des entretiens réguliers avec le pharmacien d’officine et la plateforme Continuum+.
De nombreux bénéfices pour les patients
Un rapport d’évaluation intermédiaire, réalisé dans le cadre de l’article 51, montre que les parcours AKO@dom-PICTO permettent aux patients de se sentir entourés, rassurés et soutenus. Ils obtiennent rapidement des réponses à leurs questions et apprennent à mieux gérer de manière autonome leur traitement et leurs effets indésirables. « Aujourd’hui, on sait que si on ne bénéficie pas d’un outil de télésuivi et d’un accompagnement, on perd des chances dans notre combat contre la maladie », insiste Laure Guéroult-Accolas, fondatrice et directrice de l’association Patients en réseau, coporteur du projet AKO@dom-PICTO.
Une confiance renforcée vis-à-vis des professionnels de ville
Pour beaucoup de patients, les thérapies orales sont une source d’inquiétude, car elles sont prescrites dans le cadre d’une évolution de la maladie et dispensées en ville par une équipe par nature non spécialisée en cancérologie. Il leur faut donc accepter de prendre un nouveau traitement en dehors du cadre hospitalier, en autonomie. Dans la pratique les patients ressentent beaucoup d’appréhension : est-ce que je le prends au bon moment ? est-ce que ce que je ressens est un effet indésirable ? dois-je en parler ? à qui ? est-ce que cela compromet mes chances de contenir la maladie ? Les parcours AKO@dom-PICTO légitiment l’intervention des acteurs de ville (pharmacien et infirmière de proximité), car d’une part, ces derniers sont formés spécifiquement et d’autre part, ils interviennent sur proposition de l’hôpital et sont coordonnés avec lui. Ainsi, ils renforcent la confiance du patient vis-à-vis de l’intervention des professionnels de ville dans leur suivi.
Un meilleur suivi par les médecins hospitaliers
De leur côté, les professionnels hospitaliers soulignent que ces parcours permettent une meilleure anticipation et prise en charge précoce des évènements indésirables. Avant la mise en place du dispositif, l’équipe hospitalière n’avait qu’une vision très faible de l’état du patient pendant les périodes où il se trouvait à domicile. Avec cet accompagnement, les échanges en temps réel sur la plateforme lui permettent de suivre l’évolution des symptômes, la prise des traitements, l’apparition d’évènements indésirables et de procéder à des ajustements sans attendre les consultations de suivi. Il permet également de mieux cerner le besoin de recourir à d’autres professionnels de santé avec une discussion directe entre les professionnels de ville et hospitaliers.
Ce renforcement des liens et de la coopération ville-hôpital permet une prise en charge plus précoce des effets indésirables ce qui améliore la qualité de vie, l’adhésion au traitement et évite aux patients des allers-retours inutiles à l’hôpital, voire des hospitalisations. Elle permet aussi des évolutions organisationnelles dans les centres de soins et une qualité de vie au travail appréciable pour les différents soignants.
L’expérimentation AKO@dom-PICTO se terminera en décembre 2024 et une évaluation finale sera réalisée afin de décider la généralisation de ce type de parcours au niveau national dans le cadre des « parcours coordonnés renforcés ». « Ils représentent une chance exceptionnelle pour de nombreux malades, notamment âgés, souffrant de plusieurs pathologies, isolés, souligne Laure Guéroult-Accolas. Même si leur coût est important, il faut le mettre en regard de la limitation des effets indésirables graves, de la réduction du nombre de consultations, de transports et d’hospitalisations, ce qui devrait les rendre économiquement intéressants ». Au final, les patients, les professionnels et le système de santé seront gagnants !
Auteur : Sandrine Chauvard