Alors que le 7ème congrès de la SFMPP1 sur la médecine prédictive et personnalisée, Génomique et Oncogénomique conclue que les grands progrès d’une médecine de précision en cancérologie sont freinés par un accès aux tests génétiques insuffisant, une réforme de leur prise en charge par l’assurance maladie permettrait économie financière et égalité d’accès aux soins pour tous les patients.
La médecine de précision repose sur des tests génétiques de plus en plus nombreux, utiles dans de plus en plus d’indications. (Voir article dédié) Or, ces tests ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie, mais inscrits dans un référentiel des actes innovants, le RIHN, créé en 2015, dont la réforme a été annoncée cet été.
Des tests fiables et en routine remboursée comme une innovation
Un grand nombre de ces tests font partie de la pratique clinique et sont inscrits dans les recommandations pour la prise en charge des patients. Ils font partie intégrante de parcours de soins et sont même indispensables pour prescrire un médicament. « Les plateformes ont une accréditation de qualité ISO 15189, y compris pour les tests BRCA, » explique Frédérique Penault-Llorca, DG du Centre Jean Perrin de Clermont Ferrand, (dont vous retrouverez le portrait dans cette newsletter). « Elles participent à des tests extérieurs d’évaluation de la qualité. C’est notre responsabilité. »
« Les médicaments, dont certains sont très chers, sont remboursés par la sécurité sociale, mais les tests qui permettent leur prescription sont inscrits dans une enveloppe à part », s’étonne le DR Pascal Pujol, président de la SFMPP. Ainsi, le coût reste élevé pour les établissements avec une limitation des prescriptions, des inégalités d’accès aux soins sur le territoire et un risque de perte de chance pour les patients. Souvent, seuls les tests ne ciblant que quelques cibles thérapeutiques sont prescrits. Pourtant, les tests réalisés en NGS (next generation sequencing) sont plus efficaces, prennent moins de temps, de matériel tumoral, de sensibilité et sont donc moins chers.
Le rapport de la Ligue contre le cancer et Unicancer
La Ligue Nationale contre le Cancer et Unicancer ont étudié les difficultés récentes d’accès aux tests génétiques en France ; difficultés liées à leur financement. Il en ressort qu’il faut sortir les tests génétiques du mode de financement actuel. Le coût du test est minime en comparaison d’un traitement inadapté et de ces effets secondaires, aux ressources et aux moyens mis en place pour l’administrer.
De plus, la détection d’une tumeur à un stade très précoce, limite les coûts liés à des traitements lourds, réduit l’impact de la maladie sur la qualité de vie des patients, leur activité professionnelle, leur productivité etc… Cela est rappelé dans les Plans Cancer. Le diagnostic précoce permet un traitement plus efficace, moins lourd et moins long, avec moins de séquelles. Le coût pour la société est donc aussi fortement réduit.
Une évaluation lourde et coûteuse
Ce référentiel des actes innovants était normalement provisoire. Pour en sortir et entrer dans la nomenclature des actes médicaux, qui permet le remboursement par l’Assurance maladie, la Haute Autorité de santé demande une évaluation longue, coûteuse et non financée qui prend en compte éléments techniques, les coûts des tests, des appareils, du stockage des données, le bénéfice clinique pour les patients et les modifications des parcours de soins. « A cela s’ajoute une lourdeur administrative avec des dossiers d’évaluation ou des recommandations de bonnes pratiques qui prennent plusieurs années à être traités, alors que nous serions capables de sortir des recommandations en quelques semaines comme nous le faisons au niveau européen » regrette Frédérique Penault-Llorca. Les dossiers sont très complexes et techniques et les enveloppes financières pour les tests et pour les médicaments ne sont pas entre les mêmes mains. « On vient de m’annoncer l’étude du basculement du remboursement par la sécurité sociale des tests EGFR et BRAF, identifiés en 2014 qui auraient dû être remboursés il y a longtemps et rien sur les tests NGS, qui couvrent plus de 90% des marqueurs nécessaires à la prise des cancers, qui sont largement plus coût-efficaces. Nous sommes face à l’inertie de la machine d’évaluation française. »
Pourtant, toutes les recommandations internationales vont dans le sens de l’utilisation de ces NGS pour le cancer du poumon, de l’ovaire par exemple ; ce qui devrait permettre de réduire les évaluations exigées. Au final, devant la lourdeur, le provisoire dure d’autant que l’enveloppe budgétaire est fermée et peu ou pas réévaluée. Le reste à charge est de plus en plus lourd pour les établissements et la limitation des prescriptions conduit à une perte de chance pour les patients ainsi qu’à une inégalité d’accès sur le territoire.
Vers la sortie du RIHN ?
En juillet, lors d’un conseil stratégique des industries de santé, le Président de la République a fait des annonces sur la Nouvelle Stratégie Nationale à l’horizon 2030 et un changement dans le mode de prise en charge de l’innovation et la remise en cause du système actuel du RIHN.
Pourtant le projet de loi de finances de la sécurité sociale discuté cet automne n’en parle pas. « Il y a un gap entre les annonces, le discours du Premier ministre et du ministre de la Santé d’un coté et les mesures de l’autre. C’est à se demander où cela bloque, » s’insurge le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer. « D’autant qu’un remboursement des tests n’aboutira pas à une explosion des coûts, au contraire, vue leurs bénéfices médico-économiques. Nous sommes face à une inégalité institutionnalisée entre les centres en capacité de payer et les autres. »
Un espoir toutefois : l’annonce dans APM news du 10 novembre que l’HAS a été chargée par le ministre Véran, de réévaluer plusieurs actes du RIHN, dont le NGS !!!
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